Bonjour à tous,
Cela fait longtemps que nous avons déserté un peu cette plateforme participative ouverte à tous: faute de temps, d'énergie, de réactions peut-être de la part de ceux à qui nous destinions nos articles...
Les résultats des élections européennes d'hier m'obligent, eux, à réagir: entre écoeurement et colère, incompréhension et dégoût, on oscille entre ces émotions-là quand l'Europe entière vient d'élire le FN comme son premier parti. (Quoi? Pas vous? C'est inquiétant, dans ce cas...)
Bien sûr, en France, on relativise: 30% de 40% ça ne fait guère plus que le score moyen réalisé par le FN depuis plusieurs années. Plus de 50% d'abstentionnistes, ce n'est que le reflet du désamour politique et des désillusions démocratiques. Rien d'étonnant, donc, me direz-vous...
A qui la faute? On peut blâmer les politiques, de droite comme de gauche, qui font la part belle aux frontistes par leurs divisions, leurs incohérences, leurs escroqueries de plus en plus nombreuses et décomplexées, leur incapacité à représenter qui que soit, trop occupés qu'ils sont à tailler des courbettes dans le monde de la finance, qui lui, par ailleurs, ne cesse d'influencer votre quotidien. Vous les critiquez, ces hommes politiques? Soit, moi aussi. Vous ne leur faites plus confiance? Evidemment, moi non plus... Vous estimez que cela doit changer? Je suis d'accord...
Et c'est là qu'interviennent ma colère et mon incompréhesion: ce changement, dont nous rêvons tous, vous, électeurs frontistes ou abstentionnistes, vous l'attendez de qui, exactement? Je ne suis pas sûre d'avoir bien compris...
Parce que si vous pensez que le Front National porte en lui les valeurs de justice et d'égalité qui font défaut à notre société - car c'est bien là la raison de votre colère, n'est-ce pas? - je dois malheureusement vous rappeler qu'il n'en est rien. Car venir agiter vos peurs, vos angoisses et vos frustrations par la haine de l'autre ne vous rendra vous, ni plus heureux, ni notre société plus juste et équitable. Vous saisissez ou il faut que je brandisse l'étendard des statistiques? Comme le font nos politiques - pas ceux que nous avons choisis, il faut pas déconner non plus - les galvaudant toujours un peu plus au profit... Mais au profit de quoi, au juste? De leur élection, par exemple. De cette quête toujours plus affolante de pouvoir et de richesses.
Je ne sais pas quelle est votre grille de lecture du monde, vous électeurs frontistes ou abstentionnistes qui avaient permis cette victoire du FN par votre désertion, mais la mienne tient compte de quelques chiffres et de nombreuses analyses: quelques milliards qui se baladent entre les mains d'une poignée d'individus pendant que la majorité est occupée à se déchirer, à se pointer du doigt. Des boucs émissaires, les civilisations en ont toujours désignés, c'est même grâce à eux qu'elles ont survécu. Mais la psychologie-sociale rappelle ceci: un groupe mature n'a pas besoin de bouc émissaire pour survivre, justement. Vous suivez ou c'est encore trop compliqué pour vos petits cerveaux remplis d'informations glanées sur TF1? Un monde où se creuse sans cesse le fossé des inégalités, où la division est permanente, où l'individualisme prime, un monde qui vous ôte votre humanité, ce monde-là, je n'en veux pas. Vous non plus, apparemment...
Mais voilà que pour l'exprimer vous décidez d'élire un parti qui fait de la haine et de la xénophobie son cheval de Troie. Vous saisissez le paradoxe de votre choix dans l'urne ou c'est toujours trop compliqué pour vos petits cerveaux trop occupés à réfléchir à quelle sera votre prochaine acquisition chez Darty/Auchan/Guess et consorts maintenant que - enfin! - votre pouvoir d'achat va pouvoir augmenter. Parce qu'en plus d'être un peu cons, vous êtes naïfs...
Mais je m'égare. La véritable question que je voulais vous poser, à vous électeurs frontistes ou abstentionistes est la suivante: puisque vous le voulez ce changement, à tout prix - et même au prix de votre humanité, comme c'est cher payé! - que faites-vous, vous, pour qu'il advienne?
Peut-être que vous avez compris que consommer toujours plus, c'est jouer le jeu des puissants industriels et du monde de la finance et que vous cessez de remplir stupidement vos caddies, réalisant quelles en sont les conséquences sur l'économie internationale? Non...
Peut-être que vous vous souciez davantage de votre environnement et que pour cette raison vous essayez de consommer sobrement? Non, toujours pas...
Peut-être que vous avez compris combien les médias vous polluent l'esprit et vous ôtent votre capacité à réfléchir par vous-même en vous bombardant d'informations prémachées toute la journée et que vous vous êtes séparés de votre odieux poste de télévision? Non, pas ça non plus...
Alors, quoi? Vous gueulez, pestez, votez - si mal ! - mais jamais vous n'interrogez vos propres agissements, votre propre responsabilité dans ce monde que vous décriez et que vous confiez au Front National?
Evidemment, il y a dans ce vote - ou cette abstention massive - autant de colère et de désillusion que d'incapacité à remettre en question votre rôle dans tout ça. Parce qu'évidemment, vous jouez un rôle, nous le jouons tous. La politique, ce n'est pas une poignée de guignols qui se payent votre tête à longueur de temps pour glaner ici ou là quelques voies supplémentaires. La politique c'est la vie dans la cité, VOTRE cité, et cette vie, vous en êtes responsables. Vous avez les moyens de changer, localement, à petite échelle, les choses. Comment? En essayant d'être moins cons, par exemple. Essayez, je vous jure, les résultats pourraient vous étonner...
A bon entendeur... Salut !
Emelyne.
« Etre citoyen, ce n’est pas vivre en société, c’est la changer. »
Augusto Boal.