Johan Christian Friedrich Hölderlin (1770 - 1843) est considéré comme, sinon le plus grand mais, le plus poète des poètes allemands. Heidegger le nommait " le poète du poète". A proximité de cette oeuvre qui s'élève si singulière, nous cherchons le contact avec son articulation interne. A son approche, il est possible de tenter une formulation du sens de cette poésie, elle est : le chant qui médite le divin.
Hölderlin est celui qui a vécu avec une intensité sans équivalent dans la modernité, la présence du dieu. Il en a perçu la vibration dans ce que le monde grec a laissé et dont il a hérité. Cet héritage va le conduire à interroger vraiment originellement la fonction du poète.
Il a aussi profondément senti " le défaut de communauté", et pressenti l'attaque frontale d'une industrialisation générale qui en 200 ans aura déplacé les grands équilibres de la biosphère. Hölderlin sut qu'une communauté d'hommes libres avait existé, dans le pays de la Grèce en un précieux printemps durant lequel les dieux descendaient parfois sur Terre, parmi les hommes.
Et c'est pourquoi son être ne put se résoudre à la résignation et au sommeil, alors il compose un chant au comble de l'éveil. Son chant médite simultanément la place de l'homme dans la Nature, que le poète perçoit divine et la relation d'interdépendance entre les hommes et les divinités.
Dans la nature, il médite l'unité de ses multiples manifestations : les fleuves qui sont des demi-dieux, les vents qui promettent bonne traversée aux marins, les cimes scintillantes d'argent, les bocages secrets où règne la paix, les vallées où la fleur s'abreuve aux sources, les nuages en migration, le mystère de la nuit sacrée...
Quant au divin, laissons le poète approcher. Voici la dernière strophe de l'élégie " Ménon pleurant Diotima".
Vlad
Ainsi rendrai-je grâces, ô habitants du Ciel !
Enfin le poète prie avec une âme plus lègère.
Et comme au soleil des hauteurs, avec elle, jadis,
Un Dieu du fond du temple parle, et me rend vie.
Je vivrai donc ! déjà le vert paraît ! Telle une lyre,
Appellent les montagnes d'argent d'Apollon !
Viens ! ce ne fut que rêve ! et déjà les ailes blessées
Guérissent, et toutes les espérances renaissent.
Beaucoup de choses grandes nous attendent encore,
Et qui aima ainsi ne peut que monter vers les dieux.
Accompagnez-nous donc, ô heures consacrées,
Ô graves heures jeunes, restez, pressentiments divins,
Auprès de nous, pieuses prières, et vous ferveurs,
Et vous bons génies qui auprès des amants vous plaisez:
Restez-nous jusqu'au jour où, sur une terre commune,
Là où les Bienheureux sont prêts à redescendre,
Où sont les aigles, les étoiles, les messagers du Père,
Où sont les Muses, d'où héros et amants viennent,
Nous nous retrouverons, ou bien sur l'île de rosée
Où les nôtres enfin dans les jardins fleurissent,
Où les chants disent vrai,
Où la beauté des printemps dure.
Où pour notre âme une autre année encore s'ouvre.
Hölderlin
code flux rss :